Dès la page 34 de l'ouvrage écrit par
Laurence Bergreen « PAR-DELA LE BORD DU MONDE, L'extraordinaire
et terrifiant périple de Magellan » (Grasset), j'apprends avec
surprise la participation du célébrissime navigateur Ferdinand de Magellan à la
bataille d'Azamor (Azemmour), cette petite cité pittoresque si bien connue des
Jdidis. En 1513, à 15 km au nord des remparts de
Mazagan (El Jadida), un conflit majeur éclate entre le royaume du Portugal et
le Maroc. Récit ! La
bataille d'Azemmour (29 août au 2 septembre 1513) Ferdinand de Magellan a 12 ans ; membre de la maison royale, il grandit comme
page à la Cour du Portugal. C'est là qu'il entend parler des découvertes ultra
marines portugaises et espagnoles. Il semble destiné à devenir capitaine dans
la marine royale, mais en 1495, son protecteur, le roi Joao, meurt brutalement
et Manuel 1er, son successeur, ne fait pas confiance au jeune homme trop lié à
son défunt bienfaiteur qui fut toujours
opposé à son possible règne. En 1505, Ferdinand embarque sur l'un des
vingt-deux navires d'une importante flotte commandée par Francisco De Almeida,
en partance de Lisbonne pour les îles de la Sonde, par la route maritime
portugaise des Indes orientales, jalonnée de ports fortifiés établis sur les îles. Il passe sept
années à maintenir par la force la mainmise portugaise sur les « îles des
Épices », passant d'un comptoir commercial à un autre, d'une bataille à la
suivante. Il survit à de multiples blessures et il apprend ce qui lui sera fort
utile pour la suite : rester en vie
dans un environnement hostile. De retour à Lisbonne, toujours aussi ambitieux, Magellan entame une nouvelle carrière militaire comme officier de cavalerie. Il s’engage dans la lutte menée par le Portugal pour dominer l'Afrique du Nord. En 1513, il trouve une occasion idéale de démontrer sa loyauté et son utilité quand l'autorité marocaine de la ville d'Azemmour refuse tout net de payer son tribut annuel au Portugal. Le gouverneur Muley Zayam, de la dynastie des Wattassides, déploie autour de la ville une puissante armée. Le roi Manuel 1er, répond en dépêchant vers la cité rebelle la plus grande flotte navale ayant jamais navigué sous la bannière de son petit pays. Son neveu, le Duc de Bragança, commande une Armada de 500 navires de type Caravelle ayant à bord 2000 cavaliers, 13 000 fantassins et une importante artillerie. Le 29 août 1513, le corps expéditionnaire débarque à Mazagan, puis marche sur Azemmour pour l’assiéger et la soumettre. Le 2 septembre 1513, après d'intenses et nombreux combats, la cité tombe, les Portugais l'occupent, la fortifient et y installent une garnison. Magellan participe à la riposte aux escarmouches livrées par ses ennemis qui sortent régulièrement du bled pour harceler les soldats chargés de défendre la ville. Il fait preuve d'un grand courage en s'engageant dans des luttes au corps à corps. Un coup de lance dans le genou gauche atteint l’articulation et sa jambe restera pour toujours à demi ankylosée. Portrait de Ferdinand de Magellan, exécuté au XVIe siècle par un anonyme Ses
états de services au combat et ses blessures de guerre lui valent le respect et
une promotion au rang de « maître de manœuvre ». Ce grade lui permet
de partager les prises de guerre. Les Wattassides vaincus abandonnent un
immense troupeau de 200 000 mille chèvres, moutons, dromadaires
et chevaux. En accord avec
l'un des
officiers responsables de la distribution équitable du butin, Magellan
décide de récompenser certaines tribus alliées en leur donnant une partie des
animaux. Après cette transaction, Magellan est accusé d'avoir secrètement
revendu 400 chèvres à l’ennemi et d'avoir gardé les bénéfices pour lui. L'accusation est en soi scandaleuse puisque
en tant que maître de manœuvre, il a effectivement droit à sa part de butin.
Refusant de se défendre sur place, il quitte Azemmour sans autorisation pour
Lisbonne où il surgit devant le roi. Il ne présente aucune excuse pour sa
conduite et exige en revanche une augmentation de sa maradia, une pension
qu'il perçoit en tant que membre de la maison royale. Il rappelle au souverain
qu'il est un noble ayant voué sa vie au service de la couronne, ce dont
témoignent ses blessures. Le monarque est cinglant : Magellan sujet aussi
insolent que stupide, doit immédiatement retourner à Azemmour, répondre des
accusations de trahison, de corruption et de désertion. Après enquête sur les
faits, le tribunal le lave de tout soupçon et il revient à Lisbonne muni d'une
lettre de recommandation de son officier supérieur. Avec un entêtement hors
norme, Magellan retourne voir son altesse et exige l'augmentation de sa moradia
avec plus de véhémence que jamais. Bien évidemment le roi refuse. La
fin de la présence portugaise à Azemmour et à Mazagan. Après la bataille d'Azemmour, les Portugais
quitteront définitivement la ville en 1549.
Mazagan sera la dernière ville forteresse portugaise du littoral
marocain à résister jusqu'au traité de paix signé avec le sultan Mohammed III.
Le 10 mars 1769, les occupants évacuèrent définitivement les
fortifications par la Porte de la
mer , après avoir miné l'entrée principale du fort qui explosa lorsque les
arabes pénétrèrent, ce qui provoqua la
destruction du bastion du gouverneur et d'une grande partie du rempart. La
ville resta inhabitée pendant près d'un demi-siècle et fut appelée Al-Mahdouma
(la ruinée). Ferdinand
de Magellan, commandant de l'Armada des Moluques Ferdinand de Magellan nourrit depuis
toujours le projet secret d'atteindre les « îles des Épices » en
contournant le continent sud-américain. Les Portugais captent déjà, par
l'intermédiaire de commerçants malais, le trafic des clous de girofle des
Moluques et de la noix de muscade de Banda. Par trois fois, Ferdinand de Magellan
demande l’autorisation à son roi d'entreprendre le voyage aux Indes orientales
par une nouvelle route maritime
occidentale. Par trois fois, Manuel 1er, qui depuis plus de 20 ans se méfie de
lui, lui refuse son soutien. En septembre 1517, Magellan, toujours peu diplomate mais incroyablement gonflé,
joue son va-tout : il lui demande s'il peut offrir ses services ailleurs
et à sa grande stupéfaction, le monarque lui répond qu'il est libre de faire ce
qu'il veut ! Quand Magellan s'agenouille pour baiser la main de son
Altesse comme l'exige le protocole, Manuel 1er la cache sous son manteau et
tourne le dos à son sujet. Humilié, il quitte définitivement le Portugal et son
ingrat souverain. Il rencontre le jeune roi d'Espagne
Charles 1er, futur empereur Charles Quint et l’entretient de son projet. L'enjeu est moins la
découverte des îles, déjà connues et colonisées par des Portugais, que
l'établissement d'une cartographie exacte permettant de délimiter les domaines
réservés à l'Espagne et au Portugal, définis par le traité de Tordesillas.
Magellan réussit à convaincre le souverain de l’intérêt de son projet. Il est
nommé capitaine-général de l'Armada des Moluques, soit une flotte de
cinq navires pas vraiment de première jeunesse, avec 237 hommes répartis à bord
de : Trinidad le navire
amiral, San Antonio, Conception, Victoria et Santiago.
Le 10 août 1519, la flotte appareille de
Séville, traverse l'Atlantique, fait une courte escale en décembre 1519 à Rio
de Janeiro. A la latitude du 42ème parallèle sud, l'escadre se met à l'abri
pour 6 mois dans le havre de San Julian en Patagonie. Les premiers problèmes
relationnels apparaissent. Une mutinerie
éclate, adroitement et très violemment matée par le chef d'expédition. Luis De
Mendoza, capitaine de Victoria, est égorgé sur ordre ; Gaspard de
Quesada, capitaine de Conception, est décapité. Quant à Juan de
Carthagéna, capitaine de San Antonio, malgré ses titres et
fonctions de Grand d'Espagne, Vice-Amiral, Inspecteur de la navigation et
représentant du Trésor Royal, il est emprisonné. Lors de l'appareillage de la
flotte, le 24 août 1520, Magellan, sans état d'âme, abandonne le personnage le
plus important de l'Armada sur le rivage hostile de Patagonie. Au cours d'une
reconnaissance, Santiago fait naufrage accidentellement. En octobre 1520, quatre navires pénètrent
enfin dans le passage tant espéré aux multiples ramifications. Pendant cette exploration qui durera plus
d'un mois, le pilote major Esteban Gomez, à bord du San Antonio, le plus
gros navire de l'Armada, déserte pour rejoindre l'Espagne, avec à bord toutes les réserves de vivres de
l’expédition. Le 28 novembre 1520, les
trois navires restants débouchent enfin dans l'Océan Pacifique.
Victoria, premier navire de l'Armada des Moluques à doubler le Cap Deseado (Désiré), au sortir du détroit de Magellan pour déboucher enfin dans l'Océan Pacifique. C'est ce même navire, seul rescapé de la flotte de Magellan qui arrivera à Séville. (Roger Morris Pacific Sails) Durant 98 jours, la flotte traverse entièrement en diagonale l'immense océan, en suivant une route nord-ouest. Le 24 janvier 1521, les navires longent Pukapuka, un minuscule atoll de l'archipel des Touamotu. Plus tard, les marins apercevront deux petits îlots coralliens désertiques dans l'archipel des Carolines. Enfin, le 21 mars 1521, Navarro, la vigie du Victoria hurle un vibrant « Tierra ». Plusieurs îles hautes apparaissent. Les équipages affamés débarquent à Guam (Mariannes), surnommée avec raison l'île des Larrons. Là, les hommes déshydratés et pour certains gravement malades du scorbut se ravitaillent et survivent in extremis. 50 marins sont morts dans cette interminable traversée de plus de sept mille milles nautiques sans interruption. Magellan et ses marins viennent de réaliser
le plus long voyage transocéanique sans escale de l'histoire humaine. L'Armada mouille à Cebu (Philippines).
Antonio Pigaffetta, le chroniqueur de l'expédition, remarque que l'interprète
Enrique, un esclave originaire de l'île de Sumatra, acheté par Magellan, comprend le langage des insulaires. Enrique
devient donc le premier être humain à
faire le tour de la terre. Le 27 avril 1521, Magellan meurt dans un
combat contre les indigènes de l'île Mactan (Philippines). Mais « The
show must go on ... » Après une réorganisation et une redistribution
des équipages, le voyage continue. Conception, trop mal en point, est
désarmé puis incendié. Enfin à Tibore (Moluques) Trinidad et Victoria
sont chargés d'épices. Gonzalo Gomez de Espinosa
capitaine de Trinidad opte pour
un retour via le Pacifique vers l'isthme de Panama. Le navire appareille le 18
décembre 1521. Le navire est arraisonné
et l'équipage fait prisonnier par le capitaine De Brito de l'escadre
portugaise, envoyée par le roi du
Portugal pour arraisonner l’Armada des Moluques. Le 21 décembre
1521, Victoria, commandé par le
maître d'équipage Juan Sebastian Elcano, seul navire rescapé de l'Armada,
appareille avec un équipage de 40 marins de l'île de Tidore pour
l'Espagne via l'océan Indien. Le Cap de Bonne Espérance est doublé le 22 mai
1522. C'est un véritable vaisseau fantôme, avec un
équipage réduit à 18 hommes en loques, qui débarque à Séville le 08 septembre
1522, après 3 années d'une périlleuse et époustouflante circumnavigation. Après
un peu plus d'un quart de siècle, Magellan a réussi
ce que Christophe Colomb avait tenté de faire : atteindre les Indes orientales
par l'ouest, en contournant le continent sud-américain par un détroit
providentiel qui, désormais, porte son nom. Pour
dépasser cet exploit historique, l'homme devra, dorénavant, explorer
physiquement l'univers au-delà de notre planète !
Pierrot
Larue sur le pont supérieur de l'AP 41 Aquiles
de l' Armada
de Chile (Chili), dans le détroit de Magellan en octobre
1994.
(Photo
Riquet Goiran)
Chers Jdidis, ne croyez-vous pas que la bataille d'Azemmour, où s'est
illustré Magellan, aurait dû figurer dans les
programmes d'Histoire de notre enfance ? Magellan pour son exploit,
ne mériterait-il-pas une rue à son nom à Azemmour et pourquoi pas, à El
Jadida ?
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